mercredi, août 09, 2006

Sur la route de Beyrouth...

Parti pour Beyrouth, je prévois de traîner en chemin, puisque je compte traverser en bus et en stop Jordanie et Syrie. Mais voilà, les astres en ont décidé autrement, puisque l'étoile de David préfère s'écraser sur les cèdres du Liban plutôt que de briller haut dans le ciel...
Bref, le chemin est devenu la destination, et le Liban ma terre promise. Mais j'irais tout même sous peu... j'vous l'jure !

En attendant voici quelques extraits de mon carnet de voyage. Le carnet dans le carnet, somme toute.

"Vendredi 14 juillet -
Ce soir, j'ai manqué la Garden Party à l'Ambassade de France... J'avais mieux à faire ! Je suis parti à 9h30 de Turgomène, à peine préparé, bien sûr, les yeux encore ensommeillés, l'esprit encore habité par la longue discussion que j'ai eu avec Farid, la veille, à la féérique soirée d'adieu de Jochen. Décidément, le l'aime bien ce Farid.
Une fois dans le bus, il me fallut vite me rendre à l'évidence : j'ai oublié mes numéros de téléphone ainsi que mon plan de voyage. Premier constat navrant d'impréparation. Deuxième évidence : étant parti le matin, j'ai absolument toutes les chances de ne pas avoir de ferry pour Aqaba avant demain... [...]



En arrivant, vers 7 heures le bus nous dépose devant l'hotel de son choix : pauvre bâtisse blanchie de chaux, le funduq ne semble rien proposer d'extraordinaire si ce n'est un prix exorbitant (85 £E la nuit, soit 11,49€ environ). Deux femmes, une jordaniennes et une palestinienne, résistent comme moi, mais céderont au suivant, pour 50 guinées... Me voici donc engagé avec Riyad Sahli, algérien en higra pour la France (le grand tour par la Turquie lui paraît moins dangereux que le petit Gibraltar), et Nader, sayidi, pasteur évangélique, pour une délicieuse nuit dans la salle d'attente désaffectée du charmant petit port de Nuweiba. Après une excursion en solo à Nuweiba centre, et après avoir donné mes sandales à rapiécer et clouter chez un cordonnier de rue, pour 2 guinées, je passe à table et m'offre pour 9 guinées une platrée de poulet accompagnés d'autres mets aussi délicats que trop salés.
Heureux, repu et en bonne compagnie, semble t-il, je m'apprête à me coucher, flouz en poche et sac sous tête, sur un banc de la salle d'attente... enfin, ce qu'il en reste. Dieu soit béni pour sa tendresse !"

"15 juillet - 11h35 - à bord du ferry.

C'est pour l'instant toute la diversité arabe qui s'offre à ma vue. Attablé avec une jordanienne, une palestinienne, un algérien (Riyad, toujours) nous attendons à bord, comme une petite famille, notre cinquième larron, Nader le sayidi, encore entre les mains de la douane*. Nous venons d'avoir une discussion animée avec une famille syrienne de Damas. J'étais pour ma part l'unique européen de la salle d'embarquement, au beau milieu d'une cinquantaine de nationalités peut-être. Lorsque nous discutons, chacun recourt à un mélange de son dialecte et d'égyptien, et tous semblent se comprendre.
La surprise, dans cette expérience, c'est que je participe activement aux débats : du moment que je parle arabe, ils n'ont pas l'air de me considérer comme à part... ça change des habitudes égyptiennes. Cela dit, le caractère apatride du lieu pourrait en partie expliquer cette solidarité spontannée."

* Le dit "Nader" N'est finalement jamais monté à bord : refoulé à la douane sans raison claire, notre bon pasteur est reparti pour son Sayid natal.


"17 juillet - 11h00 - Le Siq. Pétra
[...] Je me retrouve donc seul, à Aqaba, à contempler les lumières d'Eilat en écoutant قناة الأردوني annoncer les bombardements israéliens sur Jounieh et Tripoli.
Les deux où trois personnes rencontrées dans la ville à cette heure tardive m'ont parues adorables, serviables et dévoués, abandonnant étonnament vite leur intérêt financier au profit d'une relation plus amicale. Un jeune vendeur de boisson, m'emmène, après m'avoir proposé un change pirate assez peu avantageux pour moi, chez le changeur officiel sans commission, puis m'offre à boire un coup avant de repartir sans rien demander.
La gentillesse n'a pas le même goût en Egypte. Ici, les gens semblent plus sûrs d'eux même, plus confiants, mais aussi plus fiers. Je retrouve à la même occasion le goût du silence libanais.
Je pars en bus pour Taybeh d'où je dois prendre un bus pour Pétra. Les bédouins avec qui je voyage sont taiseux et graves, mais disposés à rire à la première occasion.
Cela dit quelques silences m'ont parus un peu tendus, après avoir parlé de religion avec mes voisins en keffieh. En fait, j'ai pu constater à plusieurs reprises une certaine agressivité confessionnelle jamais vraiment rencontrée en Egypte. Les bédoins semblent assez durement islamisés, et ne conçoivent en aucun cas qu'une autre alternative religieuse puisse être privilégiée. Moi qui me figurait ouvert et provocateur à la fois, me voici comme bloqué, figé dans ma pensée, sans mots, dépourvu du sens de l'esquive dont je m'étais cru doté... Je me sens bien petit et presque mal à l'aise, tant devant la sage mais ferme proposition de conversion d'un vieil homme au visage buriné, que devant l'injonction sèche et curieusement gave de deux gamines de six ans ('islam ! littéralement "musulmanise toi !"). Je n 'ai pas grand chose à craindre, biensûr, si ce n'est de froisser dans l'oeuf des amitiés de passage, mais c'est déjà beaucoup. Face au petites filles notamment, je résiste, peu fier, avec le plus de douceur évangélique que je puis puiser en moi, malgré leur crachats insolents, mais j'obtempère lorsque la plus terrible de deux enfants m'ordonne de cracher sur la terre et d'embrasser le ciel. J'imagine que c'est de cette façon qu'on leur a inculqué le goût du paradis et la crainte de l'enfer. Dans la première des deux situation, notre discussion religieuse n'avait pas empêché notre chauffeur de bus de m'inviter à déjeuner chez lui. Déjeuner... Que dis-je ? "Festoyer" serait plus adéquate ! ..." [...] "[17 juillet - 14h00 - La Khutba. Pétra]
Je suis ébloui jusqu'à maintenant par ces roches roses et veinées, découpées et sculptées par des civilisations étranges qui parsèment les pages du Livre Saint. Guerre entre peuples, vie et mort de nations dont la destinée s'est inscrite dans la pierre... L'office du milieu du jour fait écho à ce temps révolu et l'anime d'un esprit vivant. C'est dans un creux de la roche que j'implore le Dieu vivant, mêlant aux mots qui traversent les siècles mes pensées embrouillées, mon coeur empêtré..."

"Mercredi 19 juillet - 19h30 - Mont Nebo
Le soleil se couche sur la Palestine. Rouge sang et blanc hostie. Je suis de nouveau seul sur la route.
Après les splendeurs de Pétra, les discussions douloureuses sur Israël avec Daniel, un ami de passage australien et juif, les retrouvailles avec Miloud, la joyeuse amitié d'un groupe de Belges et d'un américain, j'ai vécu l'exode seul, puis la mort de Moïse, dans l'eucharistie au Mont Nébo, auprès de mon peuple, en terre chrétienne. Une des plus belles messes, sans doute que j'aie jamais vécue. J'ai ces derniers jours vu plus de beauté peut-être qu'en 23 ans d'existence. [...] Quelques frayeurs également, puisque dans l'ardeur de la marche notre petit groupe hétéroclite s'était engagé, puis égaré, dans une gorge resserrée, où mes sandales de cuir ne me garantissaient qu'une sécurité relative lorsqu'il s'agissait d'escalader des pitons rocailleux en surplomb de vides de plus de 30 mètres..."
[...]

Après quelques microbus et services, me voici aux portes du Mont Nébo. Instantanément, une émotion me prit la gorge : j'allais entrevoir la Terre Promise. Un mal de crâne tenace m'empêchait malgré tout de jouir pleinement de ma situation. Nourri de pain reçu il y a trois jours d'une palestinienne et de miel offert le lendemain d'un juif australien, j'apaise mes douleurs.[...] Entre 14h et 14h30, deux déflagrations à faire trembler la terre viennent troubler mes méditations. Cela vient de l'Ouest, de la terre de promesse. Après, plus rien, si ce n'est ce calme des hauteurs, à peine interrompu par le vent qui m'annonce l'arrivée de quelques touristes. Ce vent du Mont Nébo parle, je crois, toutes les langues, comme tout lieux inspiré."
"Jeudi 20 juillet - Amman - 21h30
[Maghtas, lieu présumé du baptême du Christ] Chaleur tropicale du lieu, soumis à une intense évaporation, et guide pressé, ne furent pas propices à la méditation, mais je pus discuter avec un groupe de libanais... On se rapproche de ma matrice arabe !
Frontière israélienne à deux mètres... Quelle étrange sensation tout de même que de patauger dans les eaux fraîches du Jourdain en discutant avec des libanais, sous le drapeau blanc et bleu."

"23 juillet - Damas- 10h
Arrivé hier à Damas je m'imprègne de l'atmosphère. Piégé entre les mises en garde libanaises et le charme somme toute assez libanais du lieu. [...] Les mêmes femmes, la même façon d'affirmer son christianisme par un jean taille basse; mais à la différence du Liban, les musulmanes relèvent le défi en suivant la même mode. Et moi, à Bab Touma, je me sens vraiment ringard, avec mon pantacourt taché et mon appareil photo à la ceinture."

"24 juillet - Damas- 12h
Cette nuit fut l'occasion de réflexions difficiles, sur le mal en géopolitique, sur l'engagement et l'illusion du bien en politique. Le contexte : à deux pas, c'est la guerre, et pendant que des atrocités et des indignités sont commises, je flâne et contemple paisiblement la vie damascène. Si je découvrais, avec fureur de connaître, l'histoire de ces lieux, je sentirais comme une légitimité à mon tourisme en bordure de guerre... pouvoir témoigner de ce qui peut disparaître en somme.
Une question me revient régulièrement, sans que je ne la considère jamais sérieusement : puis-je faire quelque chose ?
L'aide avec le croissant rouge à la frontière libanaise me paraît un bon compromis entre curiosité, raison et service. Sur cette équation peu charitable, je me décide à proposer mes services ce soir... Tant pis pour la visite du Nord de la Syrie."

"26 juillet - Alep - 16h
C'est le ventre plein que je relis ces lignes. Constat sans appel : mes velléités de sauver le monde n'ont pas séduit les officiels du Croissant Rouge, et pas même la charmante volontaire francophone venue à notre aide.
J'ai donc erré pendant deux jours avec Paul, dans un damas en crise, mais sans que l'état de guerre ne chamboule, au fond, quoique ce soit d'essentiel.

Une seule question intéresse les damascènes : alors, va-t-on enfin la faire cette satanée guerre ? Pro-régimes ou opposants, une constante perdure : il faut la faire. Mais malgré les chansons de guerre diffusées en boucle, les clips d'Al Manar repris par la télévision syrienne, et les drapeaux glorifiant l'homme de la résistance et le Parti de Dieu, la réalité est plus timide... El Hamdulillah, sans doute, d'ailleurs !
La vieille maison syrienne au coeur du Souk Sarouja où Paul m'accueille ressemble à une cellule de crise. Yassar, notamment semble au coeur du processus de résistance ; il semble surtout qu'il était au chômage avant la guerre... Quand il dit qu'une troisième guerre mondiale est le seul espoir pour changer le système, c'est sur que le changement prend une couleur bien concrète..."












lundi, juillet 03, 2006

Khalas !

Ca y est ! C'est fait : cette année scolaire se termine avec cette attestation...


Je suis désormais loin de maîtriser le sarf et la nahu de la langue arabe, mais une chose est certaine : j'ai le doigt dans l'engrenage.

Et maintenant, au programme : recherche d'un petit boulot pour l'été, et préparation de voyage...

Affaire à suivre...

mercredi, juin 21, 2006

Douce France...

Je me suis envolé le 23 mai pour la France... puis je suis revenu, le 6 juin, dans mon Caire d'adoption. Entre temps, deux semaines se sont écoulées, aussi vite que l'éclair, pas moins intense non plus !

Avec trois événements phares de mon séjour en France viennent s'immiscer dans ce blog égyptien trois gouttes de notre fraîche France, un peu d'énergie grapillée auprès de ma famille, de mes collègues et amis.

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D'abord ce dîner entre compagnons de souffrance guidés sous la cynique houlette de notre aimé Kepel. Retrouvailles chaleureuses, charmantes nouvelles rencontres, potin's updating... Que du bonheur ! A travers ce dîner "Master Monde Musulman", c'est la perspective d'une année prochaine à Sciences Po moins terrible que je n'eus pu le craindre. L'année scolaire 2006-2007 sera peut-être même un bon cru... qui sait ? Inch'Allah ! ... Affaire à suivre.




















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Côté amitié daniélousienne : une belle émotion, puisque notre douce Lucile se mariait à Evreux le 3 juin de cette année. A 23 ans, elle nous coiffe au poteau, après Antoine tout de même, qui avait pris trois semaines d'avance... Bref, le tourbillon des mariages s'ouvre cette année, et commence pour moi avec une goutte de fierté, puisque j'avais l'honneur de témoigner. Très belle messe, sympathique soirée, seul le discours du témoin de lucile laissait à désirer. "M'enfin..."



























































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C
ôté famille enfin, 4-5 jour de Bretagne intensive m'on permis de dorloter ma filleule préférée. C'était ma première rencontre avec Emma, le "petit E.T.". Ce petit truc est à la fois tellement nouveau et si parfaitement familier qu'il est dur de savoir quoi de la permanence ou de la mutation l'emporte aujourd'hui au sein de notre famille : une révolution en layette, un bouleversement stabilisateur, un puissant miracle sous les traits d'une petite boule de chair parfaitement abandonnée entre les mains humaines de parents qu'on aurait jamais cru si doués... éternel remake de LA joyeuse kénose.


vendredi, mai 19, 2006

Ciel de feu - سماء نار

Voici les derniers exploits météorologiques de notre bonne mère nature...

C'était un vendredi... jour tranquille s'il en est, où se reposent les cairotes au son des mégaphones, à l'heure où seules la prière et les sermons rompent un silence sacré...

Je faisais le ménage, nonchalamment, à moitié nu dans la torpeur d'une chaude après midi, dans cet état de semi-engourdissement propre aux lendemains de soirées, alors que le parquet lui même sent encore la mauvaise bière Sakkarah et le mégot froid. Et puis survient le sentiment étrange qu'il fait déjà nuit ; il est quatre heure de l'après midi ! Je mets d'abord ce goût d'absurde sur le compte du décalage somnologique, mais la curiosité me pousse à interroger mes perceptions sur la base d'une observation plus poussée du réel... Bref, je passe la tête par la fenêtre...

Et là, c'est comme un mur rouge et sombre qui surgit devant moi, se profile à l'horizon sur la moitié Ouest du Caire, et se déployant à une vitesse stupéfiante sur la ville endormie.
Une ou deux minute plus tard, nous voici enveloppés d'un nuage ocre, projetés en quelques instants sur la planète rouge. La planète Mars au mois de mai...

Voici un aperçu de ce phénomène : photos prises de mon toit-terrasse, sans aucun philtre, et aux couleurs presque parfaitement fidèles... Imaginez donc l'ambiance surréalistes de quatre ou cinq éberlués en sous-vêtement sur leur toit, les yeux piquants de surprise et de sable vermillon !



Et le plus étrange, dans tout cela, c'est qu'à cette époque, les vents dits de "khamasin", dont cette tempête de sables écarlates est un symptôme classique, devraient avoir cessé depuis un mois au moins...

mercredi, avril 26, 2006

Ils m'ont visité... Chronique en Image

Voici une petite galerie photos en guise de remerciement à ceux qui ont eu l'idée éclairée de me visiter dans mon chaos cairote :

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L
es premiers sont venus de Palestine, pour Noël, mais comme ils sont passés en mon absence, je n'ai pas pu capturer l'image de leur présence. Au fait, Clémence et Guillaume, merci pour la couverture : elle est deux fois plus douce que celle que j'utilisais au début de l'année... et surtout un peu moins laide.


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Se sont mes parents que j'ai retrouvés avec joie, en février, ballotés par le Nil à Louxor, puis lors de mondanités cairotes; constamment menacés par le génie transgressif de l'adolescence dont faisait preuve la poignée d'élèves qu'ils accompagnaient, le séjour fut trop court pour que j'en profite, mais peut être assez long pour leur donner une petite idée de mon environnement.

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Dans la foulée, c'est Sarah, en invité surprise qui m'attendait chez moi avec son ours mystique d'Afghanistan (Matthieu, je suis confus, j'ai oublié le terme persan pour dire mystique-soufi-bienheureux, cela dit le qualificatif que je t'ai trouvé est tout aussi affectueux) à mon retour de Haute Egypte... "Allo, Beltram ? j'suis chez toi... t'es où là ?"... Sacré Sarah !
Résultat on se retrouve avec Olivier * (et oui, encore un ancien de Daniélou...) à parler des raisins secs et de l'opium Afghan, au Caire, autour d'un mauvais thé anglais.

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Puis Martin, en lonesome cowboy, est venu arpenter les rues du Caire à mes côtés. Longues marches de nuit, jus de fraise et ta3mmeyya, cheval à Saqqara, discussions mouvementées... On a refait le Monde, réinventé la France et réformé l'Egypte. On s'est surtout refait une nouvelle amitiée, malgré la fatigue et l'emploi du temps chaotique... Sachez qu'un paresseux français en Egypte n'en fait pas davantage, mais se fatigue certainement plus vite. Enfin... ne nous hasardons pas à une théorie des climats, parce que, je vous assure, je n'attends pas les grosses chaleurs pour ne pas travailler.


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Après les tempêtes de sable de février et les giboulées orageuses de mars (si, si, je vous assure... il paraît que le temps n'a jamais été aussi hasardeux, aussi apocalyptique, certain diraient même aussi chaotique), ce sont les amis d'hypokhâgnes qui déferlent sur Garden City. Mais de quoi se plaint-on : je croule sous les averses de chocolat, de lindt ou de Galak, et je me noie dans les pain-beurre (salé s'il vous plaît)-fromage, tandis qu'une grêlée de charcutaille complète ce déluge de délices. Augustin, Charlotte et Caroline, merci, mille merci : je faisais hier encore, grâce vous, une nouvelle orgie, et je puis ainsi, maintenant que vous êtes partis, adoucir dans le brie mon amère nostalgie (certes, il n'y avait pas, dans les fromages, de Brie, mais il me fallait une rime interne en "i" pour achever ce vers parfaitement bancal).


Il y eut d'abord le crapaud fusée (comprendre la mosquée Mohammed Ali, dont l'esthétique de la disproportion n'est pas si séduisante), puis Ibn Tulun... éternellement Ibn Tulun... où il fait si bon flâner tant l'air y semble plus pur. Paisible poumon divin au coeur du brouillard cairote. Musulman ! juif ! bouddhiste ! chrétien ! ou même toi l'athée ! Tu trouveras ton Dieu dans la majestueuse simplicité de cette vieille mosquée. Bref, après m'y être rendu quatre fois en une semaine, je suis loin d'être lassé, et j'attends avec impatience vote visite pour y refaire un tour. Que de minarets dressés, et de mosquées désertes ! Mais attention, chacun a un son différent lorsque résonne l'appel des Muezzins, et aucune n'est pareille à une autre...






Puis nous nous sommes perdus au beau milieu du زكرَِِِِِ (zikr: chant mystique fondé sur la répétition du nom de Dieu, généralement accompagné de balancement du corps ; ici, il rythme la procession des confréries soufies du Caire) de mouled (fête de la naissance du prophète, à ne pas confondre avec milad : Noël).

A quelques pas de là, dans la mosquée El Azhar, les enfants font des galipettes sans complexe devant les conciliabules théologiques de leurs ainés barbus. On est loin de l'ambiance parfois un peu glaçante de nos églises de France... Et puis, regardez moi ces murs carrelés de la Mosquée Bleue ! Chacune de ces visites furent pour moi une façon de réapprendre à aimer une ville un peu usante.
Le Caire islamique est ce qui donne sens au gigantesque amas de béton et de chair qui l'environne. C'est l'âme d'une ville qu'il faut chercher en marchant, de jour et de nuit, alors que la poussière vous colle aux pieds entre les lanières trop lâche de vieilles sandales de cuir. En grattant un peu derrière la crasse les détritus et le patin des ans se dévoilent des trésors de beauté. Le bijou, parmi tous ces chef d'oeuvres, c'est Charlotte qui m'a aidé à le découvrir, avec Caroline, alors qu'il se cachait dans son écrin de cendre : la mosquée de Qayt Bay, au coeur de la Cité des morts. Je n'ai malheureusement pas de photo à exposer, car c'est charlotte qui était à l'oeuvre. Mais elle reste ainsi un mystère, auquel vous ne pourrez communier qu'après un pélerinage. Pour les consommateurs profanes tapez "Qayt Bay" sur Google, et vous serez servis : bienvenues sur le fastfood de la culture...

MacGoogle mis à part, passons à la suite des festivités : "Welcome to Dahab..."

Ce nom m'aura fait rêver toute l'année, puisque cela fait parti des lieux privilégiés où l'on peut se retirer afin de se délasser dans un cadre de rêve, avâché contre un tronc de palmier, à siroter un jus de melon, tandis que face à nous, de l'autre côté du golfe, les montagnes d'Arabie Saoudite se voilent de toutes les couleurs. Vous imaginez ma joie à l'idée d'y emmener mes bons amis de St Cucufa. Mais tout cela, c'était avant que Dahab ne deviennent synonyme de cauchemard, après qu'un triple attentat a frappé sa corniche. Caroline et moi y étions l'avant-veille, et je décidai après quelques hésitations de raccompagner la jeune urbaniste au Caire, afin la mettre dans son avion (pour finalement l'abandonner à la dernière minute...). Grand bien m'en a pris, et merci Caroline, car les trois explosions qui ont touché un hotel, un restaurant et mon supermarché préféré (vos bananes, Caroline et Augustin, je les avais achetées là bas...), ont fait au moins 18 morts, et 62 blessés. Cela dit je connaissais une vingtaine de personnes qui y étaient, et pas une ne fut touchée. Un gros choc psychologique tout de même pour un certain nombre d'entre eux. Je vous passe les détails. Certains ont décidé de rester et me disent que la vie y reprend son cours : de nouvelles expéditions pour le désert où les côtes de corail sont montées, de nouveaux cars de touristes affluent, et l'insouciance reprend ses droits, dans un lieu où l'on vient et l'on paye, après tout, pour oublier son stress. Notre grand Jimmy du Penguin devra cacher ses larmes amères sous son chapeau de cowboy, pour séduire une nouvelle grappe de touriste. C'est de sourire qu'il vit, après tout.

Pourtant j'espère que ce sont des images plus riantes que vous gardez en tête.



En voici quelques unes : Caroline, au petit
déjeuner en plein bain de soleil;







Jean, prêcheur dominicain, hésitant à troquer son froc pour une panoplie de pêcheur dominicais (il a déjà la chemise hawaïenne);






Augustin, se vengeant sur Caroline de ce que j'aie nagé avec une superbe tortue de mer, tandis qu'il se prélassait au soleil (il fallait bien que je trouve un moyen de parler de cette tortue, tout de même !);






et enfin... les montagnes...






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* Olivier Bonnel, journaliste pigiste en freelance, écrivain à ses heures (si si, Olivier, ne fais pas le timide) mériterait une rubrique entière, mais à défaut il me fallait au moins lui consacrer une astérisque (en revanche, cher camarade, ne compte pas sur moi pour écrire ne serait-ce qu'une seule ligne sur tes deux très beaux chats) !